THERE'S A STORM ON THE STREET BUT YOU STEEL DON'T RUN. + C'était toujours ce parfum infâme qui flottait dans les airs. Un arôme malsain, teinté d'ivresse et d'allégresse. Un parfum qui couvrait l'autre. Un parfum qui dégageait celui de sa faiblesse. Il avait fui comme un enfant apeuré. Il les avait quittés comme un malmené. Il les avait abandonnés, eux, les pauvres âmes en peine de ces rues abîmées. Il les avait quittés comme un lâche, comme un fou. Conscient des remords qu'il aurait par la suite. Comme inconscient des torts qu'il causerait, ensuite. Le père disparu sous les cendres de la ville, perdu dans les abimes. Il le savait, Ivan. Il savait qu'il était là, quelque part. Dissimulé dans la pénombre des ruelles. C'était les faibles murmures qui résonnaient à travers le paysage qui l'avaient poussé à le croire. Les rumeurs qui s'étendaient au-delà du rivage. Loin à travers l'horizon, tout le monde savait. De tristes chuchotements que l'on venait lui susurrer au creux des lèvres. Un sourire moqueur sur le visage. Tout le monde le savait. C'était une perpétuelle chute. Cette constante descente qui, jamais, ne cesserait. Sans un instant de repos, c'était l'éternelle souffrance qui teintait son corps déjà mort. Et partout autour de lui, tout n'était que destruction et chaos. Le désordre d'une mère, emplie de désespoir. Où chaque soir, elle criait gare. Et lui, qui hurlait, encore et toujours, un au-revoir. C'était une perpétuelle chute. Une chute qui l'assassinerait un peu plus encore, tandis que son corps toucherait le fond. Tandis que son corps se briserait en mille morceaux. Une infinité de débris, qui joncheraient le sol. Et il ne resterait de lui rien de plus qu'un pathétique paternel. Qu'une mère amère. Et au loin, devant ses yeux morts, il y aurait les vestiges du passé. Avec toujours cette arôme, emplie de haine et de colère. Cette arôme teintée de faiblesse. Il échouerait toute sa vie, il le savait. Homme misérable qu'il était. Dès son plus jeune âge, il l'avait su. Il l'avait compris alors que l'indifférence et le mépris le frappaient à chaque instant. Il l'avait compris alors que la solitude s'ancrait à son corps trop fragile. Lui qui était trop frêle. Trop instable pour être de ce monde. Un incompris dans la foule. Un visage et rien de plus. Il n'était qu'une âme en peine en ce monde de sauvages. En ce monde de noirceur et de ténèbres. Lui, l'âme-haine. L'âme solitaire. L'âme éphémère. « Quel monde de merde, c'est pas fait pour moi, tout ça. » qu'il répétait, chaque nuit. Comme un jeune loup en peine, il n'était qu'un gamin perdu et rien de plus. Avec une mère un peu trop éphémère et l'absence d'un père un peu trop éternelle, à ses tendres yeux. Il n'avait était qu'un gamin innocent qui avait dû grandir trop vite. Poussé par les cris de sa mère, elle aussi, emplie de désespoir. Et tout autour d'eux, c'était une couleur intense. Un noir sinistre, sans lendemain. Il n'y avait plus aucun sourire sur ces visages. Il n'y avait plus que la misère et la richesse d'antan, oubliée. Il n'y avait plus que les souvenirs d'autrefois. Et lui, le temps passé à compter les jours, sur ses doigts enfantins. Il n'était qu'un gamin, aujourd'hui encore. Et elle, qu'une vieille en détresse, parmi tant d'autres. À crouler sous l'alcool et ses péchés.
Lui, jeune incompris de ce monde infâme.
YOU LET YOUR BODY BURN LIKE NEVER BEFORE AND IT FEELS BETTER THAN LOVE. + La noirceur de la ville couvrait son corps tremblant, tandis que l'orchestre résonnait dans sa poitrine. Les battements de son cœur ne cessait de s'agiter tandis que lui, désespérait. Elle avait pleuré, elle avait succombé au malheur. Tout autour de lui, tout n'était plus que d'une sinistre couleur. Il y avait un monde de gris, un monde de noir qui l'entourait. Les couleurs du passé et ses rires dorés avaient disparu. Il n'y avait plus que le désespoir des enfants perdus, qui surplombait sa pathétique vie. Où tout était trop misérable, pour lui. Où tout était trop infâme, pour eux. Femme y compris. Il y avait eu, par le passé, quelque chose de beau en eux. Comme un joyau qui résonnait en leur sein. Qui les soudait, encore et toujours. Quelque chose qui les animait, une passion dévorante et un amour accablant. Et puis, tout avait disparu. Sans raison. C'était un silence pesant, désormais, qui résonnait. C'était un silence malsain où chacun pleurait, au beau matin. Tout était devenu laid. Triste. Fade. Comme une vie sans saveur, comme un amour sans bonheur. Ils s'étaient perdus, l'un et l'autre. Et tandis qu'il sentait que sa bien-aimée fuyait, lui, s'enfonçait. Il sombrait un peu plus dans les ténèbres, la misère et l'ivresse. Sa compagne éternelle le quittait.
Et elle. L'autre femme. Plus jeune. Plus frêle. Plus infâme encore. Elle était belle. Belle comme une nuit d'été, belle comme une brise glacée. Elle était belle, avec ses longs cheveux bruns et ce regard océan. Ce regard avec lequel elle le dévorait. Elle était belle, oui. Mais c'était d'une beauté qu'il avait rarement vu. Comme des ténèbres enivrants, il y avait quelque chose de fascinant chez elle. Quelque chose d'étrangement malsain, qui l'attirait. Encore et toujours. C'était pour ça qu'il l'avait embrassé, la première fois. C'était pour ressentir cette noirceur explosait en lui. Il y avait eu des coups de reins, des étreintes cachées derrière son chagrin et il y avait eu des nuits enflammées. Encore et toujours. Avec son corps mêlait au sien et son souffle court. Il y avait quelque chose d'étrange, en eux. Comme une passion malsaine, comme un amour dénué de tout. C'était juste le plaisir de la chair, le plaisir de l'autre. Avec, à jamais, le besoin de l'autre. C'était ce qu'il se disait, lui. Pour elle, il n'était qu'un pantin. Ivan, un homme de plus parmi tant d'autres. Mais elle, à ses yeux, elle était ce qu'il y avait de plus beau en ce monde. Plus beau encore que sa femme. Même s'il l'aimait toujours, l'autre. C'était juste quelque chose d'étrange. De malsain. Un pur bonheur que de plonger dans ses bras malheureux. Une attirance emplie de ténèbres, qui le noyait dans la misère. Elle était d'une innocence perverse, la gamine. Sa jolie demoiselle, aux courbes exquises. Il l'aimait d'un amour infini. D'un amour de passion et de haine. Il l'aimait parce qu'elle le détruisait. Il la haïssait parce qu'elle l'assassinait. Un peu plus encore. Elle était la tentation de toujours, Judith. Sa petite à lui. Possessif, jaloux de ceux qui posaient leurs mains sales sur elle. Elle et son corps acharnée. Elle et son corps parfait. Il la voulait plus que tout. Il la désirait plus que tout. À en perdre la raison, à en perdre la tête. À en perde l'autre. L'épouse. Il le savait, mais il continuait. Il continuait à s'enfoncer dans les ténèbres. À se précipiter vers elle, la maîtresse. L'amante de ses nuits. Et il continuerait. À jamais. Jusqu'à en perdre tout ce qu'il avait de plus précieux.
WE SAY GOODBYE IN THE POURING RAN AND I BREAK DOWN AS YOU WALK AWAY. + Il y avait cette infâme mélodie au creux de son torse, parsemée par son souffle coupé. Cette enivrante odeur qui hantait ses pensées et ce regard d'innocence qui agitait son cœur. Comme une danse qui s'accrocherait près de ses reins, qui suspendrait son corps dans le vide et le ferait s'oublier quelques secondes. Il y avait ce visage qui flottait dans ses pensées et cette douce voix qui murmurait à son oreille. Les jolis mots d'une demoiselle qui s'évadaient et transperçaient sa sinistre âme. Et il y avait les couleurs qui teintaient la pièce en un tableau sombre. Les flammes des bougies qui scintillaient dans les airs, comme un ouragan dans les hanches. Avec ce rouge empli de passion et ce noir désespoir, elle était partout. Il y avait devant ses yeux les grandes courbes dessinées d'une femme qui n'était pas sienne. Et d'une autre encore, esprit du passé, venu le hanter. D'un désir enfui qu'il cherchait à faire taire au fond de ses pensées, de son âme gouvernée par ce roi des ténèbres. Il y avait la chaleur qui émanait de son corps et le faisait s'agiter de tout son long, mais ce n'était pas sous ce soleil que son cœur voulait se réchauffer. Il brûlait de son amour, de son toucher et de ses maux. Il brûlait d'entendre son souffle, enfuie dans sa nuque, de sentir son arôme divin envahir ses poumons et sombrer dans ses fantasmes de pécheur. Il y avait pourtant devant ses yeux de jolies courbes, une dame qui brûlait de passion pour ce corps meurtri qui était le sien. Et ses lèvres qui vinrent se poser contre les siennes en un baiser ardent, dont les flammes allèrent lécher son cœur. Il y avait pourtant en lui quelque chose d'éteint. Comme si l'incendie qui le consumait était contrôlable, lent, presque mort. Comme s'il y avait quelque chose de destructeur, quelque chose de ravageur, d'intense, qui contenait ce feu. Il y avait un déplaisir dans cette passion, une envie de recracher ses tripes et de s'enfuir vers l'horizon pour cesser d'étouffer. Elle était belle, pourtant. Elle correspondait à tout ce qu'il avait toujours voulu ; autrefois. Avec ses baisers divins, ce regard de braise et cette chaleur si forte qui s'échappait de chaque parcelle de sa peau, il arrivait à résister. Mieux encore, il arrivait à s'y désintéresser. Presque.
Comme un fou las de jouer, comme un loup fatigué de chasser, il cessa cet horrible jeu qu'était l'oubli. Il ne pouvait pas continuer plus longtemps ; les règles lui étaient trop injustes, le jeu lui était trop dur à gagner. Il ne pouvait pas lui résister, pas à elle. Pas à sa peau si douce, à ses caresses si innocents, à son regard si frêle et son arôme teintée de maladresse. « Bon sang. » avait-il lâché en un soupir. Elle avait le regard plongé dans le vide, comme si elle était restée aux secondes qui avaient précédé cette fin précipitée. Tout son opposé. Lui avait les mains crasseuses, le visage empli de crasses, de pourritures. Il y avait le dégout qui imprégnait son visage triste et cette odeur de femme qu'il méprisait ardemment. Il ne voulait pas d'elle, il n'en voulait plus. Il n'en avait jamais voulu, ne souhaitant que relâcher l'infâme pression qui écrasait son torse. Il avait perdu, une énième fois, à ce combat. Il lui avait jeté des regards méprisants à tant de reprises, mais il lui était presque reconnaissant de ne pas être à la hauteur de ses attentes. Aucune n'était à la hauteur de ses attentes. À chaque fois, il s'en allait. Le corps vide, le cœur amer, l'esprit agité. À chaque fois, il s'imaginait dans ses bras, avec ses lèvres contre les siennes. Elles devaient être si douces, si tendres, si parfaites. Il les avait oublié. Il avait tout oublié d'elle. Il voulait s'y perdre, une dernière fois. Y goûter pour y sombrer. Y goûter, y céder.
Il y avait le bruit de ses pas qui frôlaient le sol, lentement, comme pour ne pas le réveiller, lorsqu'elle venait le rejoindre. Elle, fantôme du passé. Des années auparavant, tandis que leurs corps s'entremêlaient en une danse effrénée. Sombre vision qui venait le hanter. Il y avait son parfum d'errance, à la fois innocent et provocateur, comme si elle cherchait à le convaincre de l'enlacer, encore et encore. Il explosait à chacun des instants. Il exposait lorsque son regard croisait le sien. Il explosait lorsque son parfum flottait dans les airs. Lorsqu'elle disparaissait subitement. Tout en lui explosait. Il la désirait d'un désir ardent, charnel, maladif. Il la désirait d'une passion qui le brûlait, qui le consumait comme un incendie. Comme les flammes qui sillonnaient son cœur de pécheur. Il la désirait purement. En hommage à un passé qu'il essayait d'oublier, parfois.
Et souvent, il revoyait son corps à elle. L'autre femme. Souvent, il revoyait son corps sombrer dans les méandres de l'océan. Les méandres, qui l'encerclait et elle qui s'évanouissait. Il se revoyait, immobile. Catastrophé, comme incapable de bouger. Il se revoyait, impuissant face à la perte de l'être aimé. Il se revoyait, lui tourner le dos. L'oublier. La rendre passé. Et ce n'était ni les horreurs d'aujourd'hui, ni les erreurs de demain qui lui feraient oublier. Qui feraient subitement cesser les remords. Le mieux, c'était de l'enterrer. Comme les corps qu'il côtoyait. De se tourner vers les autres. Vers l'autre. Elle, la bien-aimée. Un air de puissance teinté sur le visage, un regard océan en guise de réponse.
Le mieux, c'était d'avancer. C'était ce qu'il se disait, en guise de réconfort.
- Spoiler:
Ivan, il a vécu dans la joie et le bonheur, presque toute son enfance. La chose s'est compliquée quand son père a quitté sa mère. Elle s'est mise à boire, à le maltraiter, à l'insulter. Il a eu une enfance et une adolescente pathétique, jusqu'à ce qu'il rencontre sa future femme. Là, ils ont eu un mariage heureux, même s'il leur était impossible d'avoir un enfant. Elle était stérile et lui, il en a été ravagé. Un jour, il est tombé sur une jeune demoiselle plutôt entreprenante. Chez lui, c'était la merde. Il était malheureux, sa femme était malheureuse. Il a commis l'irréparable en la trompant avec cette jeune fille. Pas une fois, mais genre trois-quatre fois. Quand sa femme l'a découvert, elle l'a pardonné parce qu'ils s'aimaient quand même. Ivan lui a promis de ne plus fréquenter la demoiselle, mais il lui a menti. Il la voyait encore très souvent, plusieurs fois par semaine. Lorsque sa femme a compris qu'il se foutait de sa gueule et qu'il continuait de la tromper, elle l'a quitté. Il a été obligé de partir de leur maison et du jour au lendemain, il s'est retrouvé dans un appartement miteux. Tout s'est dégradé et il a été viré de son travail, à cause de son alcoolisme.
Aujourd'hui, il vit toujours dans son petit appartement pourri. Il est devenu fossoyeur, histoire de payer le loyer et de pouvoir s'acheter ses clopes et ses bouteilles d'alcool. La jeune fille, il ne l'a plus revu depuis. Il n'a plus de nouvelles, peut-être qu'elle a quitté la ville. Il en sait rien. Sa femme aussi, il n'a plus de nouvelles. Elle, elle tente de refaire sa vie avec un autre mec, même s'ils ne sont pas encore divorcés.