« Just stay here, and keep silence because there's nothing else to say »

Dans tes souvenirs, raconte-nous la première fois où tu as été confronté au « Mal ». Quelles étaient alors tes options et quel a été ton choix ? ✚ Dès ton plus jeune âge, le mal s'est offert à toi sous la forme d'un père violent. Tu n'as pas eu le choix que de te faire discret, te tapir sous le sol, jusqu'à ce que tu grandisses, et ô grand malheur, te mette à lui ressembler.  Tes choix de vie t'ont-ils déjà apporté des ennuis ? ✚ Ta façon de vivre n'est pas la plus louable, tes addictions ont souvent manqué de te faire frôler les ennuis avec la justice, et si tu avais un véritable code moral, tu aurais des démêlés avec ta propre conscience. Quelle importance accordes-tu à l'humanité dans son ensemble ? Comment te comportes-tu socialement ?  ✚ L'humanité n'a aucune valeur, n'a aucun sens, aucune importance, que ce soit ta vie ou celles des autres, tu la méprises, tout comme tu méprises l'univers en soi, celui qui a décidé de parler d'humanité. La nation n'a aucune valeur à tes yeux. En société, comment es-tu, d'ailleurs ? Laisses-moi te le dire. Tu es froid, arrogant, et franc. Il vaut mieux ne rien te demander à moi de ne pas être prêt à entendre la réponse. Tu ne parles pas, avec les autres, et tu es terriblement fermé sur toi, le regard fuyant, le regard froid. Serais-tu plutôt la « tête » ou la « main » ? ✚ ici la réponse. Quelles sont tes pires craintes et tes plus grandes angoisses ? ✚ Ta pire crainte ? Toi. Toi et seulement toi, voilà ta pire crainte, ton unique peur véritable. Ensuite, on pourrait aller chercher plus loin, dans ce qu'on pourrait nommer traumatismes, et tes nombreuses petites angoisses. Elles ne sont pas si petites, d'ailleurs. Tu angoisses dès que la personne à qui tu tiens n'est plus là, dès que tu te réveilles sans elle à tes côtés, si bien que tu te réveilles avant et pars. Tu paniques quand tu ne parviens pas à fermer tes fenêtres trois fois de suite, et parfois, au final, tu paniques pour rien, pour un simple détail. Dans ces adjectifs, le(s)quel(s) te définis(sent) le plus ? (indique les en gras) ✚  Improvisation, impétuosité, rêverie, instabilité, adaptivité, sens pratique, intuitivité, négligence, gaspillage, passivité, habitude, introversion.

Des mains aux veines qui ressortent. Un corps qui s'effondre sur le sol, et un petit garçon. Toi qui ne vois  pas la couleur du sang, ce rouge foncé, couler de la peau fendue de ta mère, mais qui se précipite vers elle, parce que tu comprends qu'elle saigne. Nuance de gris plus foncée. Aucune larme sur ton visage, juste une colère qui envahit ton corps. Six ans. N'es-tu donc pas trop jeune pour tout cela ? Ton père s'en fiche. Il se fiche de ton âge, il se fiche de qui tu es, tu n'es sans doute même pas son fils pour lui. Tu n'en sais rien. Tu ne veux pas le savoir. Tu ne veux pas savoir ce qu'il pense de toi, tu ne veux pas savoir pourquoi il n'a encore jamais levé la main sur toi. Tu veux juste protéger ta mère, mais comment ? Trop jeune, tu étais bien trop jeune pour cela. Ton regard brillant d'une colère, tes petits poings si mignons qui se serraient, tu pris ta mère dans tes bras. Tu te mis à la bercer doucement, et ton cœur se fendit. Trop petit, tu ne pouvais rien faire. Et ta mère qui n'était pas suffisamment forte pour résister, pour se défendre. Mais pourquoi ne partait-elle pas pour fuir quelque part où la violence ne ferait pas son quotidien ? La réponse était bien trop évidente. Elle portait ton nom. Excidy. D'aussi loin que tu te souviennes, vous viviez dans cette petite maison affreuse. Ta mère t'avait dit que les murs étaient d'un vert délavé, tu les voyais d'un gris pâle. Tu levas ta tête, ton père ayant claqué la porte en partant, et tu aperçus un petit corps tout tremblant. Elya Syra. Ta petite sœur. Elle s'approcha de toi, doucement, comme si elle craignait que tu ne réagisses comme ton père.  Tu te sentis profondément blessé par son comportement, même si tu ne pouvais que comprendre, mais tu ne lui ressemblais pas, à ton père ! Tu ne lui ressemblerais jamais ! Tu ne voulais pas. Tu ne voulais pas ressembler à cet homme qui se prétendait père. Ta mère ne bougeait pas. Mais tu l'entendais respirer. Difficilement. « Appelle l'ambulance. Elle en a de besoin. - Mais papa... - On s'en fout de papa ! Appelle !» Elya tressaillit lorsque tu t'emportas. Tu ne remarquais pas la rougeur de ses yeux, tu ne la voyais pas, tu ne pouvais pas la voir. Tu ne pouvais donc pas voir qu'elle venait te pleurer, qu'elle tentait de ne pas pleurer devant toi. Elle recula et hocha la tête. Ton père avait des économies, tu le savais. Beaucoup d'économies. Et tu te fichais de savoir d'où il les prenait, et tu te fichais de sa réaction quand il le remarquerait. Tu murmuras à ta mère que tout ira bien. Tout ira. Quelle illusion. Mais il le fallait. Tout ira bien. Quelques minutes plus tard, ta sœur revint, toute petite, la tête basse. Tes yeux cherchèrent les siens sans les trouver. Mais reprends-toi bon sang ! avais-tu envie de lui crier. Elle t'apprit, de sa voix douce, presque chantante lorsqu'elle était heureuse, mais présentement trop hésitante, que l'ambulance était en route. Tu fermas les yeux, tenant ta mère contre toi, en attendant que l'ambulance arrive. Tout ira bien. « Tout ira bien maman, tout ira bien. Je te le promets. L'ambulance va arriver. Tout ira bien. » Lorsque les ambulanciers arrivèrent, tu te levas et leur dis d'attendre, tu allais chercher l'argent. Ce que tu fis. Tu savais où ton père cachait les liasses, après tout il n'était pas discret. Tu reviens à l'entrée et leur tendis le nécessaire.


Tu regardais l'homme qui te faisait face. Cet homme depuis toujours violent. Cet homme qui avait toujours manifesté des problèmes à gérer cette colère qui le rongeait, cette colère qui explosait d'une minute à l'autre à la moindre petite parole de travers, cette colère qui brillait dans ses yeux en ce moment même alors qu'il te dévisageait. Jamais il n'avait levé la main sur ses enfants. Jamais encore ton visage et ton corps n'avaient porté de traces de coups d'une violence qui avait éclaté. Seule ta mère en avait fait les frais, seule elle en avait subi la souffrance aussi physique que psychologique. Jamais encore. Mais ne fallait-il pas ne jamais dire jamais ? Tu aurais peut-être dû ne pas penser même ce mot. Seulement...tu n'avais jamais été superstitieux.