(midnight) city

tes tics, tes manies, tes envies : l'attrape-coeurs qui t'a marqué. cet holden qui te ressemble, ce gamin égaré qui cherche toujours une destinée, qui se fout de ses sentiments parce que tu sais pas comment faire. alors tu te moques de ceux qui savent, tu les dénigres parce que tu es jaloux. ✚ l'arrogance dans tes mots, l'insolence dans tes gestes. t'es qu'un petit con qui se croit plus fort que les autres parce que tu as une pauvre médaille sur une étagère. parce que le président t'a serré la main. tu regardes les gens en souriant, ils t'aiment. mais toi tu les détestes. ces gens qui te prennent pour un enfant, pour le jeune homme que tu étais quand tu les as sauvés. aucun pour comprendre que tu comprends et que tu veux peut-être oublier. de toute façon, tu n'as aucun souvenir de cette journée, parce que tu n'as rien fait. ✚ c'est le soldat ryan qui t'a lancé dans le métier. le sniper, tu l'avais en admiration. c'était net, précis, fatal. ton père chasseur qui t'a mis ton premier fusil entre les mains, à dix-sept ans tu étais déjà capable d'abattre un gibier à plusieurs centaines de mètre. quand tu as eu l'âge tu t'es engagé chez les navy seals. tu en as chié, certes. mais tu as réussis. ✚ parce que tu étais un gamin, parce que tu étais prodige, les gars de ton équipe t'ont toujours considérés comme leur p'tit frère. Et toi, ça t'as toujours saoulé. T'étais plus un mioche, les mioches ça tue pas comme toi tu le faisais. ✚ cette foutue médaille qui trône quelque part dans ton appart, tu la dois à un de tes anciens coéquipiers. c'est lui qui a empêché in extremis cette attaque terroriste. vous étiez trois, en permission. puis dans la pénombre vous avez aperçu ce gars et ce qu'il avait dans les mains. le rouge effervescent du compte à rebours. l'alcool qui affaiblit, lucky qui s'en est sorti avec une balle dans la jambe et toi à l'épaule. declan dans la tête, après avoir désamorcé la bombe in extremis. ✚ les toits t'appartiennent. de san dolores ou deadeye. tu t'y postes, allumes une clope, la glisse entre très lèvres.  regardes dans la lunette, attends, tires, et la cendre de s'écrouler en long tube. un rituel meurtrier qui te fait du bien. personne pour venir entacher ton profil de protégé de l'amérique. pas de problèmes, juste du plaisir. ✚ le fait est qu'on t'a fait porter le chapeau de ce sauvetage comme si on te refilait une patate chaude. tu étais encore trop sonné pour comprendre quelque chose, alors quand la journaliste est venue te trouver dans ton lit d'hôpital pour t'appeler « son héros », t'as juste dis merci. genre, « meuf j'ai mal, tu m'appellerais ton gros cochon d'amour que je t'aurais dis la même chose ». un merci qui répondait à quelque chose que tu as à peine entendu. et en un instant, lucky et toi, sauveurs de l'amérique. ✚ au début, c'était cool la célébrité. t'avais un nouveau presse-papier, les remerciements du leader du monde libre, des thunes versées par un contribuable reconnaissant. puis tu as grandi. et comme toujours, on se souvenait de toi parce que tu avais sauvé le pays à vingt-trois piges. alors te voilà encore plus blasé qu'à l'origine. vraiment tous que des cons, ces ricains. tes parents auraient dû rester en france.